Mon journal de grossesse : Un accouchement en pleine pandémie de COVID 19.

Après quelques mois, je me sens maintenant prête pour vous raconter mon second accouchement. Vous pouvez retrouver les articles sur ma grossesse en suivant ces liens : 1er trimestre, 2nd trimestre, 3ème trimestre.

Je vous laissais donc à la fin de mon article sur mon troisième trimestre de grossesse, le lundi 16 mars 2020, veille du confinement en France, mais surtout veille de mon accouchement. J’avais peur de devoir accoucher seule, mais aussi que ma maman ne puisse pas venir pour s’occuper de Manoë. Il fallait que notre loulou se décide à venir rapidement, avant que les choses empirent.

Cette journée fut très stressante, et j’ai essayé de m’occuper au maximum pour ne pas y penser. Ces dernières semaines m’avaient épuisé moralement et le stress et les angoisses étaient devenues mon quotidien. Étant donné que ma DPA était prévue le 23, et que le confinement ne commençait que le lendemain à midi, ma maman a décidé de nous rejoindre dès mardi matin. 

Ce lundi, Manoë est chez sa nounou, Papounet sur son lieu de travail, et moi, je suis prise d’une frénésie de ménage (bon, j’avoue, ça faisait déjà quelque temps que j’étais à fond dans le rangement et le ménage). Je suis donc seule à la maison, quand vers 16h00, j’ai de nouvelles contractions. Rien d’inquiétant, étant donné que j’en ai depuis plusieurs mois maintenant. Je poursuit donc mon train-train, comme si de rien n’était. 

Quand Papounet et Manoë rentrent à la maison, vers 18h00, les contractions sont toujours présentes, et je commence à dire à mon homme que c’est peut-être pour le soir même. Je sens qu’elles s’intensifient et sont différentes de celles que j’ais eu jusque-là, et elles arrivent toutes les 15 min. Je prépare donc le repas (un plat de pâtes, histoire de prendre des forces), tout en expliquant à Manoë que je vais devoir aller à la maternité. Il faut en même temps préparer la valise et les dernières affaires, une valise pour Manoë, et surtout, trouver quelqu’un pour le garder jusqu’à ce que ma maman arrive. Plusieurs amis nous ont proposé leur aide, mais étant donné la situation et l’heure, nous choisissons de demander à nos voisins, parents de 2 enfants, dont un bambin qui a 1 mois d’écart avec notre loulou. Vers 21h00, nous déposons Manoë chez eux, en lui expliquant que sa Nanou le récupérera le lendemain. Je suis tellement triste à ce moment-là, car je sais que je ne vais pas pouvoir le voir pendant plusieurs jours, les visites étant interdites.

À 21h30, nous prenons la route en direction de la maternité, tandis que mes contractions me tiraillent le ventre et le dos toutes les 10 min. En 15 min, nous y sommes et monsieur me dépose devant l’entrée, le temps d’aller garer la voiture un peu plus loin. Maintenant, je n’ai plus aucun doute, c’est le moment. Dans ma tête, c’est un deuxième, ça devrait donc aller assez vite et bien se passer. J’ai décidé d’utiliser la salle nature, et de tout faire pour favoriser le travail au maximum, afin de ne pas me sentir dépossédée de mon accouchement, comme pour Manoë. Tout est étrangement calme. Masque sur le visage, nous sommes pris en charge très rapidement par une sage-femme, qui après examen, me confirme que le travail a bien commencé et que mon col est à 2. Je me dis que je vais vite avoir la péridurale, et enfin pouvoir respirer. Elle m’installe dans une salle de pré-travail, pouvant accueillir 2 futures mamans, mais pour le moment, je suis seule avec Papounet. Nous avons une chance énorme, le COVID ne touche pas encore trop notre département, et monsieur pourra rester avec moi. Je suis tellement rassurée. La sage-femme me pose une perf dans la main, et me pique un nerf au passage.

Comme prévu, je marche tant que je peux et Papounet m’aide comme il peut. Le ballon sera un temps mon ami, puis deviendra mon ennemi. J’ai des contractions toutes les 5 min maintenant, mais j’arrive encore à les gérer. C’est pour moi très important, car pour Manoë, j’ai été alitée tout du long. Mais vers minuit, ça devient compliqué, et la sage-femme décide de m’injecter de la morphine. Je suis toujours à 2, les choses n’avancent pas, mais je ne désespère pas. Mon homme s’assoupit un peu sur le lit d’à côté. 

Papounet prend un petit temps de repos, pendant que je gère mes contractions.
Papounet prend un petit temps de repos, pendant que je gère mes contractions.

Hélas, au bout d’un moment, la douleur revient de plus belle et j’ai besoin de lui pour m’aider et me soutenir. Le temps commence à se faire long et les contractions de plus en plus douloureuses. Et c’est à ce moment qu’une autre future maman arrive dans le lit voisin pour un contrôle. Elle n’a pas de contractions et est calme. De mon côté, j’essaie de ne pas « la déranger », mais les contractions sont devenues très douloureuses et toutes les 3 minutes, je m’accroche au bras de Papounet, qui ne sait plus trop comment m’aider. Quand nous n’étions que tous les 2, nous enlevions nos masques, mais il nous fallait les remettre en présence d’autres personnes, et à ce moment-là, j’ai trouvé le temps très long avec ce maudit masque qui me gênait pour respirer. Heureusement, elle est restée environ 45 min, le temps d’un monitoring. 

En attendant l'arrivée de bébé avec le masque (COVID19)
En attendant l’arrivée de bébé avec le masque (COVID19)

Nouveau contrôle par la sage-femme. Je dois juste traverser le couloir pour me rendre en salle d’examen, mais c’est une épreuve. Une nouvelle contraction me déchire le ventre pendant le touché vaginal, je suis à la limite de vomir. Mais je suis toujours à 2 … 

Je commence à être à bout de force, j’ai mal, je suis fatiguée, je ne comprends pas pourquoi je ne vais pas en salle de naissance ou en salle nature. J’apprendrais plus tard que cette salle était tout simplement inaccessible, puisqu’elle était devenue la « salle de naissance COVID ». Moi qui avais acheté un maillot, juste pour pouvoir aller dans la baignoire et « profiter » de ce moment … 

Nous n’avons plus de visite pendant un peu plus de 2h. Je surveille le monito, en essayant de gérer tant bien que mal les contractions. Pour le moment, le cœur de bébé va bien, malgré quelques petites alertes. 

Puis, l’heure de la relève des sages-femmes arrive. Je ne sais plus s’il est 6h, ou 7h du matin, je n’arrive plus à lire l’heure. Celle de la nuit me dit au revoir et me laisse entre les mains de Laurence, la sage-femme qui m’accompagnera jusqu’au bout. Bébé commence à fatiguer et elle le voit tout de suite. Elle contrôle mon col et m’annonce que je suis à …. 2,5 !!! À ce moment précis, j’ai l’impression que tout s’effondre. Comment est ce possible ? J’ai des contractions depuis 16h00 la veille, c’est un deuxième accouchement, pourquoi rien n’avance ? Et là, je revis mon premier accouchement. On fait venir l’obstétricien. C’est encore celui de nuit, je le connais, car c’est lui qui m’a vu en décembre, quand j’ai eu mes premières contractions inquiétantes. Il est plutôt calme, et me dit qu’on va se laisser un peu de temps, pour voir comment ça va évoluer. Mais Laurence, est un peu plus directe, et me parle de césarienne. Il faut que je me prépare à cette éventualité. Je lui explique ce que j’ai vécu pour la naissance de Manoë et que, s’il doit y avoir une césarienne, je préfère que ça se fasse sans tergiverser pendant 3h. J’ai peur de revivre la même chose. D’autant que le cœur d’Elouan commence à fatiguer de plus en plus, jusqu’à descendre à 40 battements par minute. Je panique, j’ai besoin que les choses avancent. Laurence décide de me préparer et donc de me sonder, mais avec les contractions, elle a du mal à faire monter la sonde. J’ai l’impression qu’on me sonde avec du papier de verre. J’essaie de me détendre le plus possible, mais je n’en peux plus d’avoir mal. L’obstétricien de la nuit revient, avec celle de jour. Ils discutent avec la sage-femme. Lui pense qu’il faut encore se laisser un peu de temps. Elle, me dit que je dois me préparer. Laurence, quant à elle, continue de me préparer et de me soutenir. Elle a bien compris ma crainte, et fait ce qu’elle peut pour m’aider. 

Finalement, vers 8h00, l’obstétricienne décide de tenter une nouvelle approche. On m’emmène en salle de travail pour me poser la péridurale. Elle m’explique qu’on se laisse une dernière chance avant la césarienne, et que parfois, la péridurale peut aider à faire avancer les choses. Mais s’il ne se passe rien dans les 30 min, il faudra agir vite, car le cœur de bébé fatigue vraiment et les inquiète. Je suis partante. De toute façon, il faut que les choses bougent. Direction la salle, avec mon homme, masque et charlotte en place, j’attends l’anesthésiste comme le messie. Elle arrive en quelques minutes, entre dans la pièce, et annonce « Non, mais je ne lui fais pas de péri, on part direct au bloc ». Je me fige, je regarde mon homme, on ne comprend pas. Je regarde Laurence, qui a l’air de ne pas comprendre non plus. Puis tout le monde sort, nous laissant seuls dans l’incompréhension. Je fonds en larmes dans les bras de Papounet. 

Toute l’équipe entre à nouveau et m’annonce qu’on ne peut pas prendre le risque d’une péridurale, et que je dois partir directement au bloc pour une césarienne en urgence (J’apprendrais quelques jours plus tard, que l’anesthésiste a bien lu mon dossier, et ne veut prendre aucun risque pour moi et le bébé. N’ayant pas bien fonctionné pour Manoë, elle pensait que ça serait une perte de temps et donc de chance. Aujourd’hui, je la remercie d’avoir pris cette décision.). Papounet tente de négocier pour m’accompagner au bloc, il sait que j’ai besoin de lui, mais Laurence lui explique que ça n’est pas possible. En temps normal, nous aurions pu en discuter, mais avec le COVID, c’est juste impossible. En quelques secondes, c’est fait, je pars vers le bloc. Nous avons juste le temps de nous embrasser et je me retrouve seule. Entourée de toutes ces professionnelles (l’équipe était exclusivement composée de femme ce jour-là), mais sans lui. J’ai peur, très peur. Je suis fatiguée, très fatiguée. Et au final, moi qui suis à la base une battante, qui aime gérer les choses et ne pas montrer mes sentiments, je me retrouve à littéralement faire une crise de panique incontrôlable. Je pleure, je tremble, je ne gère plus du tout mes émotions. Tout va très vite. L’anesthésiste me fait la rachianesthésie et j’ai mal. On m’allonge, on m’attache les bras en croix, il fait froid, je ne sens plus mes jambes et je ne contrôle plus rien. Mais très vite, je me rends compte que je ne peux pas bouger, mais je sens bien quand on me bouge et quand on me touche. Alors là, un vent de panique emporte tout. Je repense à ces récits de femmes qu’on a ouvertes a vif. J’imagine que ça va être mon tour. Je veux qu’on sorte vite mon bébé, mais je ne veux pas vivre ça. Toute l’équipe est avec moi et tente de me rassurer en m’expliquant que c’est tout à fait normal « Ne vous inquiétez pas, si vous ressentez quoi que ce soit, vous nous le dites et on arrête tout ». Et elles ont raison, je ne ressens pas la douleur. Je sens tout, mais je n’ai pas mal. On fouille mon ventre pour sortir mon fils le plus vite possible. Je n’oublierai jamais cette sensation. 

9h09, il est là ! Mon fils est né. Je ne l’entends pas pleurer, mais on me rassure très vite, il est là et il va bien. On me détache le bras droit et Laurence l’approche de mon visage. Je peux le caresser et lui me tète la joue … Son premier « bisous » ! La première chose que je dis, c’est « qu’est ce qu’il ressemble à son frère ! ». Mais déjà, Laurence l’emmène loin de moi, rejoindre son papa qui l’attend pour le peau à peau. C’est tellement dur de ne pas pouvoir le prendre dans mes bras. Mais je sais que mon homme va s’occuper de lui. Entre le moment où on s’est quitté et celui où Papounet a pu prendre notre loulou dans ses bras, il ne s’est passé que 20 min. 

Le premier peau à peau avec papa, après une césarienne.
Premier peau à peau avec papa

Pendant qu’on me recoud, c’est le seul moment où je me suis sentie seule. Autour de moi, on parle confinement, mode de garde des enfants, …. Heureusement, Laurence fait des aller-retour entre Papounet et moi, et nous explique ce qui se passe à l’un et à l’autre. Elle m’explique qu’Elouan avait le cordon autour du cou et n’arrivait donc pas à s’engager. Ça serait une des raisons de cet accouchement chaotique. On m’emmène enfin en salle de réveil. Je ne peux toujours pas bouger et je suis tellement frustrée de ne pas pouvoir les aider à me déplacer. En salle de réveil, nous sommes nombreux, et avec les normes de distanciation, difficile de caser tout le monde. Je me retrouve donc à côté des poubelles, mais on m’autorise à enlever mon masque. Je resterai là 2h00, avec un sac de sable sur le ventre. On m’explique pourquoi, mais je ne me rappelle plus de la raison. Une infirmière passe me voir très souvent est prend à chaque fois le temps de me parler. 

Au bout de ces 2h00, on me dit qu’on va m’amener dans la chambre (je ne sens toujours pas mes jambes.), et on me demande si je veux récupérer mon fils en peau à peau sur le passage. Je n’attends que ça et je suis tellement contente de retrouver mes hommes. Nous serons confinés dans notre chambre, mais nous sommes ensemble. 


Même si ce moment ne s’est, encore une fois, pas passé comme je l’aurais souhaité, je suis heureuse aujourd’hui que mon loulou soit avec nous et se porte très bien. Le séjour à la maternité et le post-partum ont été très difficile à gérer, mais je vous expliquerai tout ça dans un prochain article. 
Aujourd’hui, je tiens à remercier chaleureusement l’équipe qui m’a prise en charge pour mon accouchement. Une césarienne en urgence n’est jamais un bon moment à passer, mais ils ont sus prendre les décisions qui s’imposaient, en temps et en heure. Le résultat, c’est un bébé en pleine santé. Rien à voir avec mon premier accouchement qui me hante encore aujourd’hui. Alors, MERCI à l’équipe de l’hôpital de Voiron, qui travaillait le premier jour du confinement, le 17 mars 2020, et surtout à Catherine. Vous avez été formidables, malgré le contexte.  (Retrouvez le récit de mon premier accouchement Ici).

Peau à peau avec mon bébé

8 réponses sur “Mon journal de grossesse : Un accouchement en pleine pandémie de COVID 19.”

  1. Je te comprend tellement . Je me dis que j’ai eu de la chance d’accoucher avant l’épidemie . Je n’aurai pas supporté d’être seule . Je pense à toutes ces mamans qui vont accoucher pendant le covid ?
    Déborah better-lifestyle.fr

    1. Je me dis aussi que j’ai de la chance, mon homme a pu rester tout le long. Je ne suis pas certaine que je n’aurais pas encore plus craqué s’il n’avait pas été là. J’ai des amies en fin de grossesse en ce moment et c’est vraiment difficile. Mais au moins, maintenant on en sait un peu plus sur ce foutu virus et on est un peu plus équipé. (Pour la petite histoire, dont je parlerais dans le prochain article, nous avons gardé le même masque, depuis notre arrivée le lundi soir, jusqu’à notre départ le samedi, pas manque de masque !).

  2. Ton article m’a touchée, autant moi-même vécu un accouchement long et compliqué moralement. Courageux de ta part d’avoir partagé tout ça. Bons moments en famille en tout cas !

  3. Mais quel accouchement… cela m’a beaucoup touché! Et rappelé quelques douleurs souvenirs aussi. Isaure est née par une césarienne d’extrême urgence. La solitude, l’incompréhension, les non dits, l’inquiétude sur le visage des soignants, le fait d’être ballotée comme un vulgaire steack sur le grill.
    Bref…
    Le principal c’est que ton petit bout et toi alliez bien!

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