J’aurais mi du temps à rédiger cet article, mais comme vous allez le lire dans les lignes qui suivent, mon post-partum et les mois qui ont suivi n’ont pas été un long fleuve tranquille. Bon, c’est rarement le cas en temps normal, mais avec la COVID 19 qui s’est invitée dans nos vies, j’ai vraiment vécu des moments difficiles, que j’ai encore du mal à évoquer.
Vous pouvez lire ou relire les récits précédents en suivant ces liens : 1er trimestre, 2nd trimestre, 3ème trimestre, accouchement. Pour rappel, j’ai accouché le 17 mars 2020, premier jour du premier confinement.
Je m’excuse par avance si cet article parait un peu brouillon, ça vous donnera un aperçu de ce qui se passe dans ma tête.
Je vous quittais donc la dernière fois en sortie de salle de réveil, après 2h loin de mon fils. On me propose de le récupérer avec le papa sur le chemin, pour débuter le peau à peau, ce que j’accepte directement, car je veux le tenir dans mes bras. Je ne sens toujours pas mes jambes, ou très peu, mais je tremble. Je tremble énormément et de manière totalement incontrôlable. Ca y est, mon fils est là, dans mes bras, tout contre moi, enfin. Mais je ne sais pas vraiment ce que je ressens. J’ai attendu ça avec une grande impatience, mais je ne ressens pas cette bouffée d’amour que je pensais ressentir. Celle que j’ai ressentie quand on m’a posé Manoë sur le ventre. Elouan est là, tout contre moi, il est beau, mais je ne ressens rien de particulier. C’est exactement ce qui me faisait peur, qu’après cette séparation brutale, je ne ressente rien.
Nous arrivons dans notre chambre, une des premières, celle en face du bureau des sages-femmes. Je tremble encore. On me demande si j’ai froid, mais non pas du tout. J’ai beau essayer de me contrôler, je n’y parviens pas. C’est toute la pression et les tensions de ces dernières heures qui s’évacuent. C’est assez impressionnant pour Papounet et pour le personnel qui ne sait pas comment m’aider. Et je regarde mon fils dans son berceau, mais je ne ressens rien. Je pleure. Cette sensation est violente, car même si je suis informée et que je sais que c’est quelque chose qui peut se produire, même si je sais qu’à un moment ou à un autre les choses vont évoluer positivement, pour le moment, c’est à moi que ça arrive et je m’en veux.
Il me faudra finalement plusieurs heures avant que mes tremblements ne se calment. Et puis Elouan se met à pleurer. Avec beaucoup d’appréhension, je le prends dans mes bras. Et s’il ne me reconnaissait pas. Et s’il avait peur de moi. Et si le lien était rompu … Finalement, il se blottit contre moi et se calme instantanément. Toutes mes craintes s’envolent, et cette fameuse bouffée d’amour me remplie enfin. Aujourd’hui encore, je m’en veux de ne pas avoir ressenti ce sentiment d’amour profond tout de suite. Même si je sais que j’ai de la chance, car pour certaines, cela peut prendre des jours, voir des mois, pour que ce lien se créer réellement.
Entre temps, j’ai bien sur pris des nouvelles de Manoë, qui a passé une bonne nuit chez nos voisins. Ma maman est arrivée et à pu le ramener à la maison. J’aimerais tellement qu’il nous rejoigne pour rencontrer son petit frère, comme nous le lui avions expliqué. Et j’ai envie de le prendre dans mes bras.
Notre sage-femme vient nous voir pour faire la déclaration de naissance. À cause de la situation, les agents de la mairie ne passent plus à la maternité pour faire les papiers. C’est donc la sage-femme qui signe les papiers avec notre livret de famille et les envoie à la mairie. Nous mettrons des semaines avant de les récupérer.
Les 5 jours à la maternité n’ont pas été de tout repos. Les services se réorganisent afin d’accueillir les patients COVID, il y a des travaux, des bruits de perceuse, énormément de monde qui passe dans les couloirs avec des meubles des lits, etc. Mais personne n’a le temps de nous l’expliquer. C’est une amie, infirmière dans cet hôpital qui m’informe par SMS. Et puis notre chambre étant juste en face du bureau des sages-femmes, nous entendons toutes les conversations. Même si le personnel fait son maximum pour ne rien laisser paraître, la tension est palpable. Un papa vient demander des conseils, juste devant notre porte. Il est à bout et ne sait plus comment gérer le stress de sa femme. C’est le début de cette pandémie, il y a peu d’information sur ce virus, la peur est là, mais pas le matériel. Papounet et moi avons reçu un masque chirurgical à notre arrivée le lundi soir. Nous sommes repartis avec le même masque le samedi. Nous devons l’enfiler dès que quelqu’un entre dans la chambre. Autant vous dire qu’après 5 jours et 5 nuits, et surtout plusieurs heures de travail, le truc ne sent pas la rose et tient debout tout seul ! Les deux derniers jours, les sages-femmes portent des masques en tissus confectionnés par des bénévoles. Elles sont reconnaissantes, mais elles ont du mal à les supporter tellement ils sont épais.
Elouan, lui, est très calme. Il ne pleure quasiment pas. Il dort bien, et nous nous faisons même remonter les bretelles, car nous ne l’avons pas réveillé pour le faire manger (mais c’est notre deuxième, et s’il dort, c’est qu’il en a besoin.).
Papounet a pu rester avec moi pendant tout le séjour, et s’occuper de Loulou. Nous avons eu de la chance, car une semaine après, la maternité fermait ses portes aux papas pour deux semaines. Il a droit à une sortie par jour, il en profite pour aller voir Manoë à la maison et acheter ce qui nous manque. Nous oublions 3 fois de commander les repas pour lui, nous partageons donc le mien, car tous les commerces sont fermés aux alentours. Pour ma part, je ne quitte ma chambre qu’une seule fois, pour faire une échographie de contrôle, à cause de mes douleurs.
Justement, ces douleurs. Je souffre sincèrement au niveau de ma cicatrice. Au tout début de cette pandémie, un lien avait été fait entre la prise d’anti-inflammatoires et des cas graves chez des patients jeunes. Les protocoles douleur habituels sont donc abandonnés, et d’autres traitements sont donnés. Hélas pour moi, je suis plutôt résistante aux antis douleur, et malgré les nombreux comprimés que je prend, rien ne fait effet. Je peux à peine me lever pour aller aux toilettes et prendre ma douche, et encore moins pour m’occuper de mon loulou. À chaque fois que Papounet nous quitte, je suis obligée de demander de l’aide pour m’occuper d’Elouan. Je ne peux même pas le remettre dans son berceau quand il est dans mes bras. Je me sens tellement nulle et inutile. Tous les jours, les protocoles changent. Un matin, l’interne vient me voir et m’annonce que ça y est, ils ont le droit de me donner des anti-inflammatoires. Je vois enfin la lumière au bout du tunnel. Deux heures après, la sage-femme arrive et me tend mon protocole du jour … Pas d’anti-inflammatoires. Je lui explique ce que l’interne nous a dit, mais il n’y a rien dans mon dossier. Elle va se renseigner, et finalement m’annonce que les recommandations ont déjà changé. (quand je reverrais un gynéco 1 mois après, elle m’expliquera que nous avons été nombreuses à souffrir et à souffrir encore, car la douleur s’est installée, faute de protocole adapté au post opératoire.).
Tous les jours, je fais des visios avec Manoë et ma maman pour qu’ils puissent voir Loulou. Ils me manquent. Je fais aussi des visios avec mon papa et j’envoie des photos à mes amis et ma famille. Je n’ai aucune idée de l’âge qu’aura Elouan quand ils pourront le rencontrer en vrai.
Il y a aussi un moment difficile à passer, la découverte de ma cicatrice. Je n’ai aucune envie de la toucher ou de la voir, mais il faut la laver. Le premier contact avec les agrafes est violent. J’ai l’impression qu’elle est interminable. Quand je la touche, j’ai deux images qui me viennent, un appareil dentaire, et Frankenstein.
Le jeudi, la psychologue du service vient me voir pour discuter avec moi. J’ai de la chance, je serais la dernière à la voir en vrai, avant que la visio ne devienne la norme. En discutant avec elle, elle comprend assez vite que je n’ai toujours pas digéré mon premier accouchement et ma fausse-couche et me conseille de ne pas laisser es choses se cumuler. Je sais que le chemin sera long, surtout que nous ne savons pas quel suivis j’aurais à ma sortie. C’est également le jeudi que la gynécologue de garde viendra me chercher le soir, pour une échographie de contrôle, afin de vérifier que mes douleurs ne cachent rien de « plus grave ». Elle me soutient dans le couloir pour aller jusqu’à la salle de contrôle, car Papounet n’a pas le droit de nous accompagner.
Tous les jours, j’ai droit à une injection d’anticoagulants pour prévenir les phlébites. Le médecin me prescrit des injections à domicile par une infirmière pour la suite, avant d’annuler la prescription, car il faut limiter au maximum les contacts.
Le vendredi, je sais que la sage-femme qui m’a accompagné pendant la césarienne travaille. Je demande si je peux la voir pour discuter avec elle et « débriefer ». Elle prend le temps de venir me voir pendant un long moment, et elle m’explique tout ce qui s’est passé, pourquoi telles et telles décisions ont été prises et comment elle a vécu les choses. Ce moment me fait un bien fou, car je fais parti des gens qui ont besoin de comprendre pour accepter. C’est très probablement ce qui m’a manqué pour Manoë.
J’échange aussi régulièrement avec mes sages-femmes libérales par sms. Elles prennent de mes nouvelles tous les jours et nous essayons d’organiser mon retour à la maison au mieux.
J’envoie Papounet au Carrefour du coin, pour acheter des petites douceurs pour le personnel, pour les remercier pour tout. Sincèrement, étant donné les circonstances, ils ont été fabuleux.
Notre rayon de soleil pendant tout le séjour, c’est que Elouan va très bien. Il mange bien, son poids est bon, et surtout, il dort tellement bien ! J’entends les bébés dans les chambres à côté qui pleurent, mais le nôtre est si calme. C’est un bébé adorable. Je suis juste triste de ne pas pouvoir l’accompagner pour le test de Guthrie, car encore une fois, nous devons limiter nos déplacements et les contacts.
Samedi matin, jour du départ, je déclenche une migraine. Il faut donc vérifier ma tension et me garder un peu sous surveillance. Comme pour Manoë, on me propose de rester 1 ou 2 jours de plus si besoin. J’ai peur de rentrer, car je ne sais pas comment je vais gérer tout ça, mais mon grand me manque tellement que la décision est prise, je vais rentrer chez moi. Je pense que c’est la fatigue et le stress qui parlent.
Le temps de voir tout le monde une dernière fois pour les conseils et de faire les papiers, nous voilà partis. La poussette me sert de déambulateur, car je ne peux toujours pas me tenir droite. Il y a un grand soleil. C’est la première fois que mon loulou respire l’air frais extérieur en 5 jours. Dehors, tout est calme. Il n’y a qu’un couple qui attend de passer aux urgences, car monsieur s’est entaillé la main. Ils me félicitent et me disent qu’en ce moment, ça fait du bien de voir que la vie continue. Je n’ai jamais vu l’hôpital aussi calme.
Nous traversons la ville fantôme. Ça fait 5 jours que le confinement a débuté, mais je n’avais pas encore mis le nez dehors une seule fois. J’ai l’impression d’être dans un des films de zombies de Papounet.
À la maison, je suis heureuse de retrouver ma maman. Manoë fait la sieste, il ne sait pas que nous rentrons aujourd’hui, nous voulons lui faire la surprise. J’ai tellement hâte qu’il se réveille et nous rejoigne. Ca ne tarde pas, il nous découvre sur le canapé, son petit frère et moi et son sourire en dit long. Il est si heureux de me voir et de rencontrer son frère. Je filme le moment, qui se transforme vite en film gord, quand Elouan régurgite tout son dernier biberon au moment où son frère s’approche de lui. Cette rencontre restera dans nos mémoires ! Je suis enfin chez moi, ma famille est réunie, je suis soulagée, même si je sais que les semaines à venir ne seront pas très roses.
Dans un prochain article, je vous raconterais les mois qui ont suivi, la suspicion de COVID pour Manoë, les difficultés pour les courses, les difficultés pour récupérer nos papiers, et surtout l’isolement et la solitude que j’ai ressenti.
Si vous aussi avez accouché ces derniers mois, depuis l’arrivée de la COVID, n’hésitez pas à laisser votre témoignage ici, en commentaire, ou à me contacter par mail. Je serais ravie de publier vos témoignages afin de les partager avec le plus grand nombre.
Si vous avez accouché par césarienne, je serai aussi ravie de partager avec vous sur cette expérience. Comment s’est passé votre post-partum ? Les douleurs ont elles durées longtemps ? …